Colloque «Rencontres autour du jeu» 2019 : le caractère pluridisciplinaire et international du jeu mis à l'honneur

Colloque «Rencontres autour du jeu» 2019 : le caractère pluridisciplinaire et international du jeu mis à l'honneur

Les 10, 11 et 12 octobre 2019, le Groupement d’Intérêt Scientifique — ou GIS — « Jeu et Sociétés » a organisé en Sorbonne (Paris) son premier colloque pluridisciplinaire et international dédié au jeu et à ses enjeux.

Cet événement a été l’occasion pour des enseignants-chercheurs, chercheurs, praticiens et spécialistes du jeu, venus de six pays, de présenter leurs recherches et leur expertise à un public composé de collègues universitaires, de professionnels ainsi que d’étudiants soucieux d’approfondir leurs connaissances en la matière. L’événement a ainsi pu accueillir plus de 220 personnes sur ces deux journées et demie d’échanges. Un double objectif a été rempli : d’une part, dresser le bilan de six années de recherches portées par le GIS, mais aussi cerner la façon dont les acquis scientifiques récents sur le jeu dans les domaines de la médecine, des lettres, des sciences humaines et sociales permettent d’éclairer les problématiques sociétales actuelles et futures.

Par ordre d'apparition (puis de g. à dr. sur les photos) : Bernard Franco, Charles Lantieri, Dominique Desjeux, Sylvia Kairouz, Isabelle Varescon, Olatz Lopez Fernandez, Maud Lemercier-Dugarin, Sasha Mathieu, Servane Barrault, Mélina Andronicos, Lucia Romo, Yasser Khazaal, Stéphane Bouchard, Jean-Jacques Rémond, Élodie Hurel, Jean-Louis Bischoff, Juliette Vion-Dury, Pascal Aquien, Sophie Chevalier, Thierry Wendling, Marie Redon, Lichao Zhu, Ahmad Shakeri, Boris Lebeau, Hannah Freundlich, Valérie Le Floch, Celine Lemercier, Jean-Michel Costes, Bernadeta Lelonek-Kuleta, Gilles Brougère, Emmanuelle Savignac, Sarah Sandré, Boris Noyet, Caroline Simonpietri, Ingo Fiedler, Samuel Vansyngel, Élisabeth Belmas et Donna Cooner.

Le colloque, résolument pluridiciplinaire, a été ouvert par Bernard Franco, professeur de Littérature générale et comparée à Sorbonne Université et Pascal Aquien, professeur de littérature anglaise à Sorbonne Université et vice-Doyen à la Recherche de la faculté des Lettres. Puis Dominique Desjeux, professeur émérite d’anthropologie sociale et culturelle à l’Université de Paris-Paris Descartes (laboratoire CEPED-UMR 196) et président du GIS « Jeu et Sociétés » a prononcé une brève allocution introductive. Il a rappelé l’origine du groupement d’intérêt scientifique, fruit d’une coopération historique entre l’opérateur Française des Jeux et les universités, ainsi que son identité, caractérisée par l’ouverture à plusieurs disciplines des LSHS, par la solidité des liens entre ses membres et par la liberté accordée aux chercheurs et aux projets de recherche qui sont financés. Après avoir souligné le rôle décisif des initiateurs du projet, il a remercié chaleureusement les personnes qui continuent à le faire vivre aujourd’hui.

À l’issue de ces introductions, vingt-huit intervenants se sont succédés ; vingt-huit sur deux jours et demi.

Jeudi 10 octobre

La journée du 10 octobre était consacrée à l’approche du jeu sous l’angle du médico-social avec, notamment, l’étude des problèmes d’addiction au(x) jeu(x) ; les intervenants ont dressé l’état des lieux des recherches et des applications thérapeutiques et sociétales sur le jeu excessif.

Recherches et applications sociétales

Durant la matinée, présidée par Isabelle Varescon, professeure de psychologie clinique et psychopathologie à l’Université de Paris-Paris Descartes et directrice du Laboratoire Psychopathologie et Processus de Santé (EA 4057), Sylvia Kairouz, professeure de sociologie à l’Université Concordia (Institut universitaire sur les dépendances) et chercheure affiliée à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM) a abordé la question de la responsabilité — individuelle et sociale — envers les jeux de hasard et d’argent à l’ère du numérique. Olatz Lopez Fernandez, senior lecturer à la Monash University (Eastern Health Clinical School) en Australie, a ensuite brossé un état des lieux de la clinique et du profil des joueurs souffrant d’addiction aux jeux vidéo en Europe et en France. Maud Lemercier-Dugarin, doctorante en psychologie clinique à l’Université Paris Nanterre, (laboratoire CLIPSYD - EA 4430) a présenté une étude transculturelle visant à évaluer la pratique des jeux en ligne. Sasha Mathieu, docteure en psychologie de l’Université de Paris — Paris Descartes (Laboratoire LPPS — EA 4057) s’est penchée sur les motivations, les cognitions et les émotions des joueurs de jeux de hasard et d’argent. Puis Servane Barrault, MCF-HDR de psychologie clinique de l’Université de Tours (Laboratoire Qualité de vie et santé psychologique — EE 1901) a analysé la prise de risque chez les joueurs de jeux de hasard et d’argent à travers le prisme des facteurs cognitifs, métacognitifs et de personnalité.

Évaluation des processus et applications thérapeutiques dans les recherches sur les jeux

La session de l’après-midi, présidée par Lucia Romo, professeure de psychologie clinique à l’Université Paris Nanterre, psychologue au Centre Hospitalier Sainte-Anne (CMME) et membre de l’Unité Inserm U1266 Team 1 (ex-U 675), Centre de Psychiatrie et Neurosciences (CPN), a porté sur l’évaluation des processus et applications thérapeutiques dans les recherches sur les jeux.

Yasser Khazaal, professeur de psychiatrie, chef de service de médecine des addictions, au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) à Lausanne (Faculté de Biologie et de médecine, Université de Lausanne, Suisse) a traité des jeux à visée thérapeutiques, en s’interrogeant sur les bénéfices propres à chaque univers de jeu. Mélina Andronicos, docteure en sciences de la vie, psychologue, responsable de recherche au CHUV de Lausanne, a présenté la formation universitaire en jeu excessif et addiction comportementale de son centre hospitalier universitaire. Stéphane Bouchard, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en cyberpsychologie clinique, a ensuite évoqué la question de l’utilisation de la réalité virtuelle dans le traitement de problèmes de jeu : pourquoi et comment l’utiliser ? Jean-Jacques Rémond, psychologue clinicien de l’Université Paris Nanterre, doctorant dans le laboratoire CLIPSYD (EA 4430) a également abordé la prise en charge du jeu pathologique par la réalité virtuelle via la présentation d’une étude pilote. Enfin, Élodie Hurel, doctorante en psychologie-neuropsychologie à l’Université de Nantes-IFAC-CRJE (laboratoire SPHERE — UMR1246), a exposé ses travaux sur l’évaluation des capacités d’inhibition cognitive chez les joueurs de poker.

La journée du jeudi a été clôturée par une allocution de Charles Lantieri, directeur général délégué de la Française des Jeux, en présence de Philippe Lebaron, vice-président de Sorbonne Université, chargé des partenariats économiques. Il a rappelé l’engagement de l’opérateur pour la recherche scientifique sur le jeu et plus particulièrement l’appui financier apporté par l’entreprise au GIS « Jeu et Sociétés » depuis 2013. Après cette courte rétrospective, il a annoncé la reconduction du soutien au GIS pour les trois prochaines années ; reconduction qui s’est concrétisée par la signature d’une nouvelle convention avec les quatre universités partenaires : Paris Nanterre, Université de Paris — Paris Descartes, Sorbonne Université et Paris 13.

Vendredi 11 octobre

Le vendredi a été dédié à l’exploration des pratiques de jeu, de leurs représentations ainsi qu’à leurs implications sociétales, tant sur le plan individuel que collectif et environnemental. L’éclairage pluridisciplinaire des sciences humaines et sociales a permis d’aborder le sujet de façon riche et dialectique.

De l’expression du je au miroir du monde

La séance du 11 octobre au matin, présidée par Juliette Vion-Dury, professeure de littérature générale et comparée à l’université Paris 13 (laboratoire Pléiade - EA 7338) et vice-présidente Grands Campus de l’Université Paris 13, en charge des relations avec la MSH-Paris Nord et le Campus Condorcet, a fait la part belle à la philosophie, à la littérature, aux sciences du langage et aussi à la géographie.

Jean-Louis Bischoff, docteur HDR en philosophie et en littérature de l’Université d’Artois, (laboratoire Textes & Cultures - EA 4028) et directeur de l’Institut de Recherche de la Fédération Européenne Des Écoles (FEDE) a ouvert la session en proposant à l’auditoire une lecture cailloisienne de Blaise Pascal, soit une interprétation du politique et du jeu dans les Pensées de Pascal. Ensuite, Pascal Aquien, professeur de littérature anglaise à Sorbonne Université et vice-Doyen à la Recherche de la faculté de Lettres, a interrogé le jeu du signifiant dans l’œuvre « A Game of Tigers and Sheep » d’Arun Kolatkar. Marie Redon, MCF — HDR de géographie à l’Université Paris 13 (laboratoire Pléiade — EA 7338), a esquissé une géopolitique des jeux d’argent dans sa communication sur « Les jeux d’argent, facteurs et expressions d’un monde globalisé ». Lichao Zhu, docteur en sciences du langage de l’Université Paris 13 (Laboratoire Textes Théorie Numérique - TTN) a ensuite exposé ses recherches sur la modélisation du jeu de mots : comment le définir et le recenser ? Puis ce fut au tour d’Ahmad Shakeri, docteur en littérature générale et comparée, chercheur à l’IHCS (Institute for Humanities and Cultural Studies) de Téhéran de traiter du jeu à travers l’étude d’Une Pierre sur une tombe de Jalâl Al-e-Ahmad.

Pratiques et représentations du jeu

L’après-midi, présidée par Jean-Louis Bischoff, a poursuivi l’éclairage du sujet par la géographie, l’ethnologie, l’anthropologie, la sociologie ou encore la psychologie.

Ainsi, Hannah Freundlich, doctorante de l’Université Paris 13 (Laboratoire Textes Théorie Numérique — TTN) a fait part de l’avancée de ses rechercher sur les femmes et le jeu. Boris Lebeau, MCF de géographie à l’Université Paris 13 (laboratoire Pléiade - EA 7338) a proposé un parallèle entre deux capitales du jeu : Las Vegas et Macao  sont-elles des « villes miroir » ? Thierry Wendling, ethnologue, chargé de recherches au CNRS, co-directeur de la revue Ethnographiques.org et co-directeur du LAHIC (IIAC, CNRS-EHESS) a entraîné le public dans le Grand Nord en restituant une mission sur les courses de chiens de traîneaux en Alaska. Sophie Chevalier, professeure en anthropologie à l’Université de Picardie Jules-Verne, directrice du laboratoire « Habiter le monde » (EA 4287) et co-directrice de la revue Ethnographiques.org a porté son regard d’anthropologue sur les courses et les paris hippiques en Afrique du Sud, reflet des transformations post-apartheid ? Jean-Michel Costes, sociologue, démographe et Secrétaire général de l’Observatoire des jeux (ODJ) s’est interrogé sur la porosité entre les jeux sociaux gratuits et les jeux d’argent à l’ère du digital. Valérie Le Floch, professeure de psychologie sociale et Celine Lemercier, professeure de psychologie cognitive à l’Université Toulouse 2 (laboratoire CLLE, équipe LTC - UMR 5263) ont exposé leurs recherches sur les effets des messages de prévention sur les joueurs, dans une présentation intitulée « Restez maître du jeu : des-illusions sur le renouvellement des conduites dans les jeux de hasard et d’argent. ». Bernadeta Lelonek-Kuleta, docteure en psychologie, assistant professor à la John Paul II Catholic University of Lublin (Institute of Psychology) en Pologne, est intervenue sur le thème de la pratique des jeux d’argent chez les personnes en prison, en présentant les résultats d’une étude qualitative et quantitative menée en Pologne.

La journée s’est terminée par l’intervention de Gilles Brougère, professeur de sciences de l’éducation à l’Université Paris 13 (laboratoire Experice - EA 3971), du projet Game in Lab, initié par Asmodée et l’Innovation Factory, visant à soutenir la recherche sur le jeu de société.

Samedi 12 octobre

Dans la suite des deux premières journées du colloque, le samedi matin a permis d’étudier le jeu et ses impacts sociétaux, notamment dans un monde numérisé. Ainsi, la matinée, présidée par Élisabeth Belmas, professeure émérite d’histoire moderne à l’Université Paris 13, (laboratoire IRIS - UMR 8156-U997) — MSH Paris-Nord et secrétaire générale du GIS « Jeu et Sociétés » a-t-elle été animée par des interventions sur les thèmes du numérique et de la santé, du e-sport, du monde du travail, des jeux vidéo ou encore des réseaux sociaux.

Sarah Sandré, doctorante en histoire des sciences contemporaines de l’Université Paris 13, (laboratoire IRIS - UMR 8156), juriste et consultante en santé numérique, a défini les contours, les enjeux et les perspectives de la gamification dans le monde de la santé. Caroline Simonpietri, docteure en socio-anthropologie de l’Université Paris Descartes (laboratoire CEPED - UMR 196) et consultante indépendante (Anthropik), a analysé les nouveaux enjeux et les rugosités apportés par le jeu dans le domaine de la e-santé. Samuel Vansyngel, doctorant en sciences de l’éducation à l’Université Paris 13 (laboratoire EXPERICE - EA 3971) et co-fondateur de l’AREFE (Association pour la Recherche et les Études Francophone sur l’Esport), a suivi la manière dont la pratique des jeux vidéo se transforme, passant d’une passion ordinaire à une professionnalisation ainsi qu’à une institutionnalisation. Emmanuelle Savignac, MCF d’anthropologie à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, membre du laboratoire CERLIS (UMR 8370) de l’Université de Paris-Paris Descartes, est intervenue sur la gamification dans le monde du travail avec « Un jeu productif ? La gamification et la question des mécaniques du jeu ». Le cinquième intervenant, Ingo Fiedler, docteur en administration des affaires et en économie de l’Université de Hamburg, UHH School of Business, Economics and Social Sciences, co-fondateur du Blockchain Research Lab, et chercheur invité a la Chaire de recherche sur l’étude du jeu à l’Université Concordia, à Montréal, a mesuré l’impact du hasard et de l’argent dans les jeux vidéo dans le phénomène des loot boxes. Enfin, c’est le docteur Donna Cooner, professeur en éducation à la Colorado State University, aux États-Unis et auteur d’ouvrages pour adolescents, qui a clos la matinée par un exposé sur l’estime de soi chez les jeunes à l’heure des réseaux sociaux.


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